L'infirmière qui travaille en EHPAD

Avant de soulager il faut pouvoir évaluer.

L'EVA chez la personne âgée ne fonctionne pas très bien à mon avis et peut-être d'ailleurs pour toutes les douleurs chroniques. Les douleurs chroniques ont cette particularité de devenir une composante de la personne; elles deviennent presque une habitude de vie, la personne qui la supporte vit avec elle, elle l'accepte, la tolère jusqu'à un certain seuil. C'est en cela que la douleur chronique est difficile à évaluer avec une échelle numérique.

La douleur chronique devient presque une composante psychologique à un certain moment. Sans cette douleur on est un peu perdu, délaissé? C'est comme ça que certains résidents nous parlent de leurs douleurs. Vous avez mal aujourd'hui? Une question étrange pour ceux qui vivent avec leurs douleurs depuis 15, 20, 30 ans.

C'est quand la douleur dépasse le seuil de l'acceptation que le résident accepte de la traiter. Sinon, souvent, il préfère ne pas prendre "tous ces médicaments qui détraquent". Il faut savoir respecter cette position et ce n'est pas toujours facile quand on est soignant.

Pour "voir" la douleur qui dépasse le seuil de tolérance il y a des signes qui s'observent: une position antalgique, une mobilisation transformée, une protection d'une zone du corps, une prostration, et aussi des cris, des larmes, de la colère. Et aussi des mots mais parfois ils ne viennent pas spontanément.

La panoplie des anti-douleurs est alors déployée: Paracétamol, Codéine, Tramadol, Morphine; du plus banal au plus illustre.

Le but: retrouver une vie acceptable, redescendre en-dessous du seuil de tolérance.

Et pour atteindre ce but l'évaluation par les échelles type Algoplus (par un ou deux soignants) et Doloplus (par équipe).

Pour les douleurs chroniques intenses, le palmarès revient à la morphine en solution buvable (par gouttes): en 20mg/ml, une goutte = un mg. Une vraie panacée pour trouver la juste dose d'autant plus que la durée d'action est d'environ 4H renouvelable.

On commence à 2 gouttes 3 à 4 fois par jour et on augmente en fonction de l'évaluation de la douleur sur prescription renouvelées et réévaluées.

Et la douleur redevient supportable, vivable, acceptable.