L'infirmière qui travaille en EHPAD

Régulièrement, des étudiants infirmiers ou des remplaçants pour les vacances nous posent cette question: pourquoi avoir choisi la gériatrie? C'est étonnant, on ne m'a jamais posé cette question quand je travaillais en chirurgie alors qu'il y avait environ 80% de personnes âgées dans certains services.

Que ce ne soit pas le poste de prédilection pour de nouveaux diplomés je peux comprendre: en sortant des études on peut vouloir pratiquer les gestes techniques "valorisant" et courant dans d'autres services, être plus encadré au quotidien, pour approfondir ses connaissances et être rassuré dans l'exercice de sa profession.

Mais que l'on ne comprenne pas le choix de travailler avec nos ainés ça me laisse perplexe. Est-ce du mépris pour eux, du mépris pour les soins pratiqués ou est-ce une méprise de notre activité en gériatrie? Ou bien quoi?

S'il s'agit du mépris pour nos anciens ils sont mal partis étant donné qu'ils constituent la majorité des personnes rencontrées dans les services hospitaliers et chirurgicaux. Ils ont tant à nous apporter pour peu qu'on les écoute ces hommes et ces femmes déjà vieux. Mépriser la population âgée c'est contraire à l'humanisme, peut-être même contraire à la bientraitance.

Difficile d'être en empathie avec quelqu'un que l'on méprise ou que l'on trouve peu attractif.

S'il s'agit du mépris pour les soins pratiqués ils sont déjà bien vastes pourtant! (lire l'article sur les soins pratiqués en EHPAD)! Bien sûr les poses de cathéter et de perfusion ne sont pas la part la plus importante des gestes pratiqués. Et les inconditionnels de la "piqûre" seront sans doute frustrés. Après avoir travaillé dix ans en chirurgie, je me dis que la pratique technique est obligatoirement acquise à force d'entrainement alors que la pratique relationnelle est en constante progression et elle ne sera d'ailleurs jamais complètement acquise tant la multitude de rencontres est possible. Aujourd'hui je suis aussi fière d'être entrée en relation avec une personne atteinte d'une démence de type Alzheimer que je l'étais hier d'avoir su poser un cathéter ou poser une sonde naso-gastrique.

Il y a peut-être la peur de travailler dans une équipe maltraitante ou maltraitée par l'institution. Mais cette peur pourrait être valable pour n'importe quel service hospitalier. Le travail en gériatrie a beaucoup évolué ces dernières années en terme de réflexions éthiques et il continue à évoluer encore. La bientraitance et l'humanitude sont des notions dont on parle beaucoup en gériatrie et finalement assez peu dans d'autres spécialités.

Alors, la gériatrie, pourquoi pas?