L'infirmière qui travaille en EHPAD

Un homme en fin de vie nous a été confié récemment avec une étiquette "syndrome de glissement". En fait, quand on a un cancer de la prostate évolué et qu'on est trop fatigué pour supporter un traitement médical c'est l'étiquette qui est parfois collée sur le front...

Le projet de vie pour cet homme a été d'emblée un projet de confort maximal. Il a été emmené au restaurant au début pour voir s'il prenait encore plaisir à être à table avec d'autres personnes mais ça n'a pas été le cas. Très vite il est resté dans sa chambre où il a retrouvé le confort d'être en paix avec lui-même. Il aimait nos passages réguliers dans la chambre et il avait son verre de bière et son café issu de sa machine personnelle tous les jours (deux rituels qu'il souhaitait conserver). Nous lui avons prodigué les soins de confort corporels nécessaires pendant trois semaines et petit à petit il s'est affaibli au point d'être sur le départ...

Le jour de son départ ou du passage aussi pourrait on dire selon les croyances de chacun, il a été retrouvé au moment du repas de midi agonisant avec des pauses respiratoires et une respiration représentatives des derniers instants. A deux soignantes, nous avons pris le temps et l'énergie de venir l'accompagner jusqu'à son dernier souffle (et plus encore) parce que ça nous semblait important dans notre réflexion éthique et humaine.

C'est long un accompagnement comme celui-ci (environ vingt minutes) et cela demande beaucoup d'énergie empathique; on ne peut pas être juste là à lui tenir la main, ces moments-là se vivent par la douceur des paroles, le soin de bouche qu'il appréciait et l'imagination de ce qu'il est en train de vivre qui peut être très différente d'une personne à une autre. On passe un peu de l'autre côté de la rivière avec lui juste le temps du passage...

Et puis c'est fini, il ne respire plus. Son pouls est encore perceptible quelques minutes pour disparaitre lui aussi. C'est l'heure de la présentation du corps et des derniers adieux. C'est l'heure pour nous de revenir parmi les vivants.