L'infirmière qui travaille en EHPAD

Le début de la journée ne présageait rien de bon... En arrivant, la première information est inquiétante: une de nos résidentes a eu une douleur fulgurante au pied gauche et elle ne peut plus bouger le pied... La veille elle est restée au lit toute la journée pour cause de gastro entérite. Je monte la voir tout de suite d'autant plus vite qu'elle sonne à nouveau.

Quand j'arrive elle me dit que son pied est "mort". A l'observation, il n'est pas gonflé, le mollet est souple, sans signe d'inflammation par contre il est bleuté à partir de la cheville. Je lui demande d'essayer de le mobiliser. Elle ne peut pas. Je ne sens pas le pouls pédieux mais bon pour l'autre pied c'est pareil...

Elle ne peut plus marcher.

Bon, je soupçonne un problème de circulation et je compose le 15.

En voilà une qui part déjà aux urgences.

Un peu plus tard j'apprends qu'elle est opérée dès qu'elle arrive en chirurgie vasculaire du CHU le plus proche pour thrombectomie.

La matinée se termine plutôt bien, le retard est rattrapé.

Midi. Un de nos résidents est un peu encombré depuis ce week-end mais apyrétique. Là maintenant, changement de donne: il est très encombré et il n'arrive plus à expectorer. Il désature. J'aspire quelques mucosités. La saturation remonte. Ne pas oublier d'appeler le médecin en début d'après-midi.

15H. Retour de pause. J'appelle le médecin (le seul qui n'est pas en vacances et qui accepte de prendre des résidents qu'il ne connait pas en charge; toujours le même depuis 15 jours...). Il ne peut pas se déplacer aujourd'hui mais il viendra demain matin.

17H. Nous apprenons qu'une de nos collègues est décédée ce matin. Elle avait une vingtaine d'année. Le choc. Elle a travaillé avec nous hier.

18H. Mon résident encombré fatigue. La saturation est bonne mais il hyperventile. Apyrétique.

18H30. Il rappelle. Il panique un peu là. La saturation est à 78%. Je ne cherche pas trop à savoir s'il y a artéfact de l'appareil vu que ça me donne une raison d'appeler le 15 et que cela permettra à cet homme de dormir en milieu sécurisé avec des infirmières et des médecins autour (ça ne sera pas le cas chez nous: ni infirmière ni médecin) et surtout il sera rassuré.

19H. Les pompiers arrivent. Ils sont d'accord avec moi: il sera plus en sécurité aux urgences même si la saturation est bien remontée avec seulement deux litres d'oxygène. Ils plaident en sa faveur au téléphone vu que le médecin régulateur n'est plus très chaud pour l'envoyer aux urgences (pas assez mal... on croit rêver). Quand même il hyperventile et il s'étouffe limite dans ses crachats...

19H30. 45' de retard pour distribuer les médicaments. Les autres résidents ont fini de manger. Ils jouent le jeu de la distribution tardive et font comme si de rien n'était. Et en plus ma collègue aide-soignante m'aide à la distribution. ça fait chaud au coeur. 20' pour la distribution. C'est un record. Merci.

Je finis à 19H30 normalement. Il me reste encore toutes les transmissions à écrire et elles ne tiennent pas deux lignes (plutôt deux pages). Ranger un peu aussi histoire de ne pas laisser trop de bazar pour le lendemain. Préparer les visites médicales de demain.

21H. Fin d'une journée en enfer.